Cette faible utilisation peut s’expliquer par plusieurs lacunes déjà soulevées par des juristes, que notre équipe a voulu explorer de plus près.
Instaurées le 10 décembre 2015 lors de la mise en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie (LCSFV), les directives médicales anticipées permettent à une personne majeure et apte à consentir aux soins d’accepter ou de refuser en avance cinq soins médicaux, soit la réanimation cardiorespiratoire, la ventilation assistée par un respirateur, la dialyse, l’alimentation artificielle et l’hydratation artificielle.
Ces directives s’appliquent dans trois circonstances bien précises :
Les DMA sont complétées par acte notarié ou devant témoins au moyen du formulaire prescrit par le ministre, puis déposées dans un registre administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec.
Dans son rapport quinquennal 2018-2023 déposé le 18 février dernier, la Commission sur les soins de fin de vie soulève des questionnements quant au nombre limité de personnes ayant complété des DMA et sur l’effet presque inexistant du régime.
Et si une partie de la réponse se trouvait dans les écrits juridiques ?
Nous sommes une équipe de recherche interdisciplinaire comprenant des étudiantes à la maîtrise en droit notarial et moi-même, chercheuse spécialisée sur les pratiques de fin de vie. Grâce à un financement de la Chambre des notaires du Québec, nous avons fait une analyse des écrits de spécialistes du droit ayant émis des réserves face au régime des DMA.
À lire aussi : Emploi et handicap au Québec : un modèle à bout de souffle
Selon Robert P. Kouri, docteur en droit et professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, les dispositions de la loi par rapport à l’aptitude à consentir aux soins présentent une incohérence. Bien que cette aptitude soit présumée, certaines personnes peuvent ne pas être en mesure de l’exercer pleinement.
Le notaire a une obligation de diligence pour vérifier la capacité du signataire, mais ne possède généralement pas l’expertise pour évaluer l’aptitude à consentir aux soins. Quant aux DMA signées devant témoins, aucun mécanisme ne permet de vérifier l’aptitude, malgré la mention pré-imprimée affirmant que la personne est « majeure et apte ».
Comme le soulignait déjà Me Danielle Chalifoux en 2015, le rôle des témoins se limite à valider la signature, sans exigence d’indépendance ou de vérification de l’aptitude. Si la DMA a été reçue devant notaire et surtout lorsqu’elle a été reçue devant témoins, comment des professionnels de la santé pouvaient s’assurer, des années plus tard, qu’il s’agit bel et bien de l’expression émanant d’une personne légalement apte au moment de la complétion et que ces volontés sont toujours les mêmes, questionne Me Kouri ?
La Loi sur les soins de fin de vie part du principe que la personne qui remplit des DMA a reçu toute l’information nécessaire pour prendre une décision éclairée. Or, selon Me Kouri et Me Chalifoux, cette présomption repose sur l’hypothèse d’une consultation avec un professionnel de la santé compétent.
Source : www.sudouest.fr
Découvrir la suite de l'article sur le site d'origine
L'exemple du Canada nous est malheureusement souvent utile pour anticiper les dérives des lois bioéthiques ou touchant à la vie. Concernant les directives anticipées sur la fin de vie, les juristes canadiens constatent qu'il reste très difficile pour des personnes bien portantes de se projeter et d'anticiper ce qui sera acceptable ou non au moment de leur fin de vie. De même, les soignants se retrouvent souvent avec des difficultés d'interprétation de ces directives et d'appréciation du consentement libre et éclairé de la personne concernée. Ce qui explique le faible nombre de directives anticipées enregistrées. De quoi nous donner des pistes de réflexion aussi en France dans le cadre de la proposition de loi sur la fin de vie. Si vous vous interrogez sur les directives anticipées en France, les questions à se poser et la façon de les rédiger, retrouvez notre dossier très complet.