L’Union Européenne telle qu’elle fut imaginée

L’Union Européenne telle qu’elle fut imaginée
Publié le
May 17, 2024

« La démocratie sera chrétienne où ne sera pas ! » Robert Schuman

Il y a des déclarations qu’on oublie vite, mais que nous devrions pourtant graver dans nos mémoires et sur nos monuments commémoratifs. Robert Schuman est considéré comme l’un des « pères de l’Europe » et il avait, dans cette entreprise, une vision qu’il nous semble urgent de rappeler tellement l’Europe d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Nous n’avons pas à imaginer que le passé était meilleur qu’aujourd’hui, ce serait se tromper. Toutefois se remémorer « la pensée originelle » de ce qui deviendra l’Union Européenne c’est mettre en perspective le chemin parcouru par les idées et les institutions politiques depuis la déclaration du 9 mai 1950, fondant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. Les décideurs ont-ils été fidèles à la volonté et aux espérances des fondateurs ? C’est en nous appuyant sur des citations de l’ouvrage de Robert Schuman, « Pour l’Europe », que nous réfléchirons.

Mais avant cela qui sont ceux que l’on désigne comme « pères fondateurs » de l’Union Européenne ? Le français Robert Schuman (1886-1963), l’allemand Konrad Adenauer (1876-1967) et l’italien Alcide de Gasperi (1881-1954) : trois hommes qui œuvrèrent à la réconciliation de leurs pays après les atrocités des deux guerres mondiales du XXème siècle. Ces trois hommes d’Etats, démocrates-chrétiens convaincus, ont toujours cherché à être des artisans de paix. L’amitié entre Konrad Adenauer et Robert Schuman a rendu possible les premiers pas de la réconciliation franco-allemande. Quant à Alcide de Gasperi, il s’est employé, après-guerre, à dialoguer avec les pays vainqueurs, améliorer les conditions de l’armistice, éviter les humiliations ou les règlements de compte. Après tant de haine, de violence et de vengeance, ces trois hommes ont su se parler pour que leurs pays s’entendent.

 

Un appel à la fraternité chrétienne après de terribles années de guerre.

Robert Schuman, comme ses deux autres homologues, était convaincu que seul le christianisme serait capable de donner le souffle et la force nécessaires à la réconciliation : « Nous voilà donc, sous la contrainte de l’expérience, après tant d’échecs qu’a subi l’habileté diplomatique ou la générosité de certains hommes, tels que Aristide Briand, en face de terribles menaces que font peser sur l’humanité les progrès vertigineux d’une science orgueilleuse, nous voilà donc ramenés à la loi chrétienne d’une noble mais humble fraternité. Et par un paradoxe qui nous surprendrait – si nous n’étions pas chrétiens, inconsciemment chrétiens peut-être – nous tendons la main à nos ennemis d’hier non seulement pour pardonner mais pour construire ensemble l’Europe de demain. (…) Cette politique nouvelle est à base de solidarité et de confiance progressive. Elle constitue un acte de foi, non pas comme celui de Jean-Jacques Rousseau, dans la bonté humaine si cruellement démentie depuis deux siècles, mais un acte de foi dans le bon sens des peuples enfin persuadés que leur salut réside dans une entente et dans une coopération si solidement organisés entre eux qu’aucun gouvernement ainsi associé ne pourra plus s’y soustraire. Que cette idée d’une Europe réconciliée, unie et forte soit désormais le mot d’ordre pour les jeunes générations désireuses de servir une humanité enfin affranchie de la haine et de la peur, et qui réapprend, après de trop longs déchirements, la fraternité chrétienne. »

L’acte de foi « dans le bon sens des peuples » ne suffit malheureusement pas, nous le comprenons mieux aujourd’hui qu’hier, à l’heure où nombreux sont ceux qui manifestent leurs insatisfactions ou leurs doutes. De partout nous entendons des peuples qui ont le sentiment d’être mis à l’écart et parfois trahis lorsqu’ils expriment leur volonté, comme en 2005 lors du référendum français sur la Constitution européenne, ou bien lorsqu’en 2004 le président Jacques Chirac refusa que la référence aux « racines chrétiennes de l’Europe » figure dans le préambule de la Constitution européenne. Ce refus fut une déchirure de la pensée des « pères fondateurs » de l’UE et un déchirement pour bien des citoyens européens.

 

Une démocratie généralisée, dans le sens chrétien du mot.

« La démocratie sera chrétienne où elle ne sera pas. Une démocratie antichrétienne sera une caricature qui sombrera dans la tyrannie ou dans l’anarchie. La position du démocrate peut être définie ainsi : il lui est impossible d’accepter que l’Etat ignore systématiquement le fait religieux, qu’il lui oppose un parti pris qui frise l’hostilité ou le mépris. L’Etat ne saurait méconnaître sans injustice ni sans dommage pour lui-même l’extraordinaire efficacité de l’inspiration religieuse dans la pratique des vertus civiques, dans la si nécessaire sauvegarde contre les forces de la désagrégation sociale qui sont partout à l’œuvre » (Robert Schuman,« Pour l’Europe »).

 

Un minimum d’intégration politique

L’Europe devait se construire sur un principe de subsidiarité avec un « minimum d’intégration politique ». La subsidiarité suggère que tout ce qui est réalisable au niveau le plus proche des citoyens, le soit. Ainsi tout ce qui est réalisable au niveau des Etats n’a pas à être pris en main au niveau Communautaire afin d’éviter la surenchère politique et administrative. Relisons à nouveau le conseil de Robert Schuman à ce sujet : « L’intégration économique que nous sommes en train de réaliser ne se conçoit pas, à la longue, sans un minimum d’intégration politique. C’est un complément logique, nécessaire. Il faut que l’Europe nouvelle ait un soubassement démocratique ; que les conseils, les comités et autres organes soient placés sous le contrôle de l’opinion publique, contrôle qui soit efficace sans paralyser l’action et les initiatives utiles. L’intégration européenne doit, d’une façon générale, éviter les erreurs de nos démocraties nationales, surtout les excès de la bureaucratie et de la technocratie. La complication des rouages et l’accumulation des emplois ne sont pas une garantie contre les abus, mais sont parfois elles-mêmes le résultat de la surenchère et du favoritisme. L’ankylose administrative est le premier danger qui menace les services supranationaux ».

Les futurs députés européens et les dirigeants des pays européens seraient bien inspirés de relire les « pères fondateurs » d’une UE qui a perdu sa foi, qui a perdu la foi.

 

Franck Meyer

Président du CPDH

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