Patrick Hetzel : « Les neurotechnologies doivent, d’abord et avant tout, servir à guérir et à réparer » - Jeudi 20 janvier 2022, l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) adoptait la note scientifique n°32 sur le thème des neurotechnologies, présentée par Patrick Hetzel, député LR du Bas-Rhin. Patrick Hetzel a accepté de répondre aux questions de Gènéthique.
Patrick Hetzel : Ce sont des outils de mesure ou de modulation du système nerveux et notamment de l’activité cérébrale. Les neurotechnologies connaissent un regain d’intérêt dans la période récente, notamment sous l’effet d’initiatives émanant tant des pouvoirs publics que des entreprises privées ainsi que d’améliorations induites par le numérique, au travers d’interfaces de plus en plus performantes. Héritières de méthodes controversées, voire abandonnées dans le cas de la lobotomie, ces techniques restent tributaires des connaissances encore incomplètes du fonctionnement du cerveau et de ses 100 milliards de neurones et, plus globalement, du fonctionnement du système nerveux central et périphérique. Les neurosciences, dont les progrès dépendent des neurotechnologies et qui font réciproquement avancer ces dernières, butent en effet sur la complexité du cerveau, qui demeure de loin l’organe humain le moins bien compris par la science. Technologies d’exploration ou de modulation du système nerveux, les neurotechnologies sont de plus en plus utilisées pour soigner ou « réparer » les handicaps. L’intérêt grandissant du secteur privé, en particulier pour les interfaces cerveau-machine, pose la question de leurs applications non médicales.
PH : L’utilisation des neurotechnologies a un impact sur le cerveau, soit comme but recherché, soit en tant qu’effet secondaire, et la personnalité du patient ou de l’utilisateur peut être altérée, faisant par exemple survenir dépression ou euphorie. Le recul n’est pas suffisant pour évaluer si les bénéfices de certaines neurotechnologies sont bien supérieurs aux effets secondaires. Au-delà de ces risques intrinsèques, il existe des dérives potentielles dans l’utilisation des neurotechnologies. Des appareils à bas coûts destinés aux particuliers se diffusent et peuvent être de mauvaise qualité, inefficaces, ou même dangereux (cas de dégâts cognitifs ou de brûlures du cuir chevelu).
De manière plus générale, les neurotechnologies soulèvent des questions éthiques quant aux droits des patients à leurs données. Ces dernières doivent être protégées car elles pourraient être utilisées dans un but discriminatoire ou malveillant. Une mobilisation internationale s’est donc mise en place récemment pour répondre aux défis éthiques de ces technologies, la Convention d’Oviedo de 1997 sur les droits de l’Homme et la biomédecine – premier instrument juridique international contraignant en ce qui concerne la protection des droits contre toute application abusive des progrès biologiques et médicaux – étant insuffisante.
L’OCDE a, en décembre 2019, formulé neuf principes en vue d’encadrer l’innovation en neurotechnologies. Cette recommandation, première norme internationale dans le domaine, se déclinera sur un plan national. Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) travaille ainsi avec d’autres acteurs à l’adoption d’une charte pour un développement responsable et éthique des neurotechnologies en France.
Certaines initiatives vont plus loin que les droits habituels des patients (dont la dignité, l’intégrité du corps humain, le principe du consentement éclairé, le droit à l’information), la protection des données personnelles, la fiabilité, sûreté et sécurité des dispositifs, ou la prévention des usages abusifs voire malveillants : elles portent sur la protection de la personnalité et le respect du libre arbitre.
Source : genethique.org
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Un décryptage intéressant sur les évolutions des neurotechnologies. Le potentiel des violations des droits humains est effrayant. Il est étonnant de voir l’application du principe de précaution à ces technologies alors que pour d’autres innovations médicales ou questionnements bioéthiques, les législations protectrices existantes ne sont pas appliquées.